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Une pratique avec des préalables

par Béatrice Viard

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COMMENT NE PAS ÉXÉCUTER LES POSTURES  

Avant de proposer une pratique, je voudrais poser quelques préalables, car si on entend dire que « telle posture est bonne pour telle chose », ce serait une naïveté de le croire. Les effets ne nous appartiennent pas ; seulement le soin porté à leur mise en œuvre. Ce qui compte le plus c’est, pour reprendre les mots de mon amie Régine Chopinot, l’engagement du sensible. Si l’abandon des fruits de l’acte veut dire quelque chose c’est, en partie cela. C’est ce que disent les sūtra sur la posture, que l’on répète souvent sans en voir, comme de beaucoup de choses concernant le yoga, leur implication concrète.
La posture est définie comme une architecture qui la rend spacieuse, vivable, confortable, qui en fait un espace où on se sent bien, qui lève les obstacles au cheminement du souffle et l’oriente sans le contraindre.
Ce qui permet cette architecture est qu’elle allie « le relâchement à l’effort », qu’elle soit construite par l’effort minimum suffisant. Juste ce qu’il faut, dans une méditation sur le sans-fin, sur la circularité que geste et souffle sans cesse s’offrent l’un à l’autre. C’est ce que j’appelle la présence d’esprit.
Alors nous rentrons dans la dynamique vivante des polarités.
Une précision n’est pas inutile : dans la construction des bâtiments, l’architecture précède l’usage. On y vit et on y circule une fois le bâti fini. Dans le corps, c’est instant après instant qu’ils interagissent. C’est pour ça qu’il faut que tout soit libre, prêt à se réorganiser en fonction du moindre mouvement, ne serait-ce que de lever un bras, qui modifie la répartition du poids, les appuis et donc la réponse du sol. Si le frein est serré, les articulations verrouillées, si le corps n’est pas conducteur, transmetteur et donc le plus neutre possible, il n’y a pas de réponse naturelle.



1. DESSERRER LE FREIN À MAIN
Quelques consignes préalables équivalent au temps qu’on prend en voiture, avant de démarrer, pour régler son siège, attacher sa ceinture et desserrer le frein à main. Je donne quelques exemples pour me faire comprendre :

- Cela pourrait se faire simplement debout avant de commencer, en se livrant consciemment au jeu des deux forces opposées, égales et complémentaires que sont la pesanteur et la résistance (ou repoussé) du sol. Plus je donne et plus je reçois en retour, en est la règle simple, à condition d’être détendu et prêt à recevoir pour se laisser "détasser" par le sol.

- ou expérimenter le « posé/repoussé » en commençant par marcher dans la pièce, en donnant, dans la détente, le poids du corps au sol. En libérant la hanche, le genou la cheville, en variant les vitesses, regard horizontal, périphérique, laissant le sol donner par le rebond, la direction du haut. Cette marche donne sa majesté à la tête dans la liberté, si on accepte simplement de se laisser traverser par la réponse du sol.



2. TÊTE QUI ROULE ET HUMER L’AIR  
La liberté entre la boîte crânienne et atlas est fondamentale pour donner sa direction au souffle et placer jālandhara bandha.

C’est à cela que servent les micro-mouvements de « oui oui » et « non non » . Micro car il s’agit de faire tourner la tête sur axis et basculer sur atlas, en ne mettant que ces deux premières vertèbres cervicales en jeu. C’est là un exemple de cet effort minime, ciblé, pile à l’endroit concerné. On doit sentir la tête comme sur un roulement à billes.

Une autre façon d’aller libérer la relation tête/atlas est de bailler bouche fermée. Il s’agit d’ouvrir un espace de mobilité à la base du crâne, là où la pointe d’axis s’emboîte dans le creux occipital, mais il peut être motivant pour votre expérimentations de préciser que les trois premières vertèbres cervicales sont directement en relation avec les organes de perception. Humer l’air, donc solliciter délicatement l’odorat est aussi une indication possible pour avoir accès à cet endroit-là. Mais si vous comprenez que les trois premières cervicales (atlas, axis et la troisième) sont liées aux vue, ouïe et odorat. Un champ d’expérimentation s’offre à vous aussi avec le regard et l’écoute pour y mettre de la liberté.



3. ON EST TOUJOURS PORTÉ PAR UNE RELATION.
Cette phrase de mon professeur, Peter Hersnack, travaille en moi depuis des années. Elle s’incarne dans chaque posture. Regardons simplement la posture debout, samasthiti. Qu’est ce qui nous porte dans cette posture ? Pour chaque pied : deux voûtes (on dit qu’il y une voûte transversale et une voûte longitudinale). Mais qu’est-ce qu’une voûte ? Une répartition circulaire de forces convergeant en un point clé qui lui-même n’est pas en contact avec le sol. La clé de voûte est donc le point de convergence des multiples points de contact du pied avec le sol. La clef de voûte est la relation qui porte. Nous ne sommes pas portés pour autant par ce point particulier puisque chaque pied à deux voûtes, donc chaque pied est porté par la relation entre ces deux clés de voûtes. Ajoutez à cela que vous avez deux pieds et vous trouverez que leur relation s’établit dans un lieu que le yoga nomme « racine ». Il concerne le plancher pelvien et le sacrum. Comme ça a l’air compliqué, bien que ça soit très simple, je mets deux images en vis-à-vis : l’une est une clé de voûte, l’autre aussi mais on l’appelle « clé pendante » et elle m’évoque ceci :

On voit bien sur cette image que le sacrum comme « clé pendante », est tenu par deux larges surfaces articulaires entre les deux ailes iliaques. Il est tenu, donc il y a jointure, articulation, mais souvent il est tenu très serré. Or le sacrum est aussi la base, le support de toute la colonne vertébrale. On voit distinctement sa forme triangulaire pointée vers le bas. Entre cette pointe large vers le bas et la petite flèche d’axis pointée vers le haut il y a une autoroute de structures osseuse, d’amortisseurs, de muscles, de tendons, de nerfs, de moëlle et de liquides. Je vous dis tout ça simplement pour attirer votre attention sur le placement de vos pieds en samasthiti (j’ai mis beaucoup de temps à le comprendre, alors je comprends qu’en fait ce ne soit pas si facile). Regardez vos pieds. Ils sont plus larges à l’avant qu’à l’arrière. Cela implique que le position pieds-joints demande à ce que les pieds soient joints par la base des gros orteils avec les talons légèrement écartés. Et même un peu plus, essayez pour voir ce que cela change. Probablement vous aurez l’impression que le sacrum émerge un peu entre les deux iliaques, alors inspirez en détendant le bas du dos, en donnant son poids au sacrum.

Je joins une dernière image pour vous aider à visualiser ces deux articulations entre lesquelles le sacrum est maintenu, pour vous donner envie d’aller y mettre de l’espace et de libérer le bas de la colonne (cette image est vue de face).

Porté le sacrum est aussi porteur. Semblable à une cariatide, il ne faut pas s’étonner qu’il soit un lieu de « serrage ». Pourtant il donne direction au souffle et son épaisse pointe de flèche orientée vers le bas est le pendant d’axis. Je vous propose de porter votre attention en ce lieu dans cette pratique en cherchant à y négocier de l’espace.

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